Philippe BRODZKI

 

Né à Bruxelles en 1952, Philippe Brodzki étudie à l’académie des beaux-arts de Bruxelle où il est l'élève du sculpteur  Debonnaire. En 1972 il intègre l'Académie des Arts de Düsseldorf. Il y a pour professeur de dessin Joseph Beuys et vit chez Marcel Broodthaers.

 

Ci-dessous un article de Nicole Cerstou dans "la revue la céramique et le verre" de novembre 2013.

Philippe Brodzki : la beauté provocatrice

Les sculptures de Philippe Brodzki semblent d’une lecture totalement évidente. Au premier coup d’œil elles paraissent se dévoiler entièrement dans l’expression d’une beauté anachronique. Elles s’avèrent en fait plus provocatrices que passéistes.

Majoritairement le sculpteur représente des personnages, jeunes, sereins, légèrement souriants, passifs mais tête droite et regardant droit devant eux. Le nu est traité dans une recherche d’une beauté universelle. Pas de souffrance, pas d’atteintes au corps, pas de misérabilisme, ni mouvement, ni excès, ni extase, rien ne correspond à nos schémas habituels de la représentation du corps. Rien pour émouvoir autre que la beauté, avec un petit décalage dans les associations d’idées qui place l’œuvre du côté du surréalisme ou au moins de l’onirique. Ses bustes, malgré leurs piédouches, ne sont pas classiques mais bien contemporains. Les postures et les compositions sont des clins d’œil à diverses civilisations ou à des pratiques artistiques tels les Arts Incohérents, Dada ou Surréalisme. L’utilisation de la céramique matériau « pauvre » et la recherche de matières volontairement d’aspect vieilli, ainsi que les contrastes de couleurs, sont bien actuels.

Le regard de ses personnages est essentiel et particulièrement travaillé, avec le blanc brillant et l’iris coloré parfois souligné de noir. Ce regard incite à contempler plus longuement, afin de découvrir de nouveaux horizons.

Les animaux représentés sont nombreux. Cheval, poisson,  taureau, tortue, chien, lion, tout comme une bête entre le chien et le cochon cet animal étrange au sourire plus grinçant que séduisant. Cet animal étrange est le seul qui ne semble pas parfaitement adhérer avec l’esthétique développée. Il symbolise pour l’artiste, ses doutes, ses souffrances face à la création.

Les associations se font souvent par superposition : une coiffe sur la tête d’une femme assise sur un poisson et qui rehausse la sculpture. Un même personnage chevauche un cheval, un taureau, un chien ou une tortue.  Tout semble possible,  le chien se dresse sur le dos d’un autre chien plus gros, ailleurs se sont des têtes de plus en plus petites qui sont empilées. Un autre type d’assemblage est un personnage qui tient dans ses bras : une tête, un poisson... L’artiste veut montrer le lien très proche qui lie les hommes et les animaux.

Les couvre-chefs sont utilisés comme éléments plastiques apportant une couleur, une matière, un volume abstrait et une élévation de la sculpture. Tous ses chapeaux sont très sophistiqués, la matière reproduite est luxueuse, les formes originales, la couleur contraste avec celle de la peau. Toutes sortes de formes sont possibles avec l’argile jusqu’à un délire de plis et replis. Parfois, la coiffe fait référence une période historique, à une civilisation antique. Philippe Brodzki connaît bien les couvre-chefs, ceux peints ou sculptés de l’histoire de l’art mais aussi ceux créé dans son enfance par sa mère qui était modiste. Il apprécie le toucher des textiles, la souplesse d’un pli, la finesse d’un tissage et les nuances des coloris ; ce qu’il cherche à transcrire avec les émaux.

Des bustes identiques varient par les chapeaux et par l’émail. Le moulage incite en effet à multiplier les tirages,  les différents assemblages rendent les sculptures uniques. L’artiste préfère parler de « cantate et non de série, chaque pièce apportant quelque chose à la suivante ».

Ce sont ces associations qui offrent un décalage avec la réalité dans la lignée des collages surréalistes. Elles cassent le classicisme potentiel, apportent parfois une note d’humour et toujours une interrogation. Elles peuvent être à l’origine d’une histoire qui n’est pas explicite : pas de titre, pas de piste, juste un support pour imaginer qui est le personnage, ce qu’il fait. Et parfois, fortuitement, la sculpture trouve un écho dans la mythologie.

Les statues ne sont ni anecdotiques, ni narratives.  Elles ne répondent ni aux codes de l’art actuel, ni aux tendances esthétiques corporelles. Elle pose l’acte créateur comme un acte de liberté, détaché de l’environnement social. Philippe Brodzki bénéficie de la liberté technique grâce à ses acquis d’une formation classique, jusqu’au perfectionnisme. Mais il situe ses œuvres au-delà d’une pratique  technique puisqu’il ne s‘agit pas d’une représentation juste mais d’une association d’éléments plastiques qui questionnent. L’œuvre est en décalage esthétique dans sa représentation d’une beauté, dont l’artiste souligne l’importance, à la fois dé-codifiée et irréelle, et en décalage technique dans l’utilisation de la céramique, encore considérée comme artisanat, et la terre comme matériau sans noblesse. Ces choix peuvent être appréciés comme anachroniques dans l’art actuel, provocateurs vis-à-vis des normes de la vie occidentale en incitant à la contemplation, à la rêverie dans nos sociétés où l’inactivité n’est pas valorisée.

 

Souvent présentées à Paris à la galerie Bob Vallois, les œuvres de Philippe Brodzki ont été exposées à la Biennale de Châteauroux, plus récemment à la galerie flamande de Live Lambrecht et sont à la galerie Vallois-Friedman Madison avenue jusqu’à fin novembre à New-York.

 

 

Parcours

Issu d’une famille d’origine polonaise, Philippe Brodzki, enfant peu intéressé par l’école, a été élevé dans le milieu artistique bruxellois. Sa grand-mère, chef de service au palais des beaux-arts de Bruxelles, côtoyait et aimait à soutenir les artistes. A 14 ans, Philippe Brodzki savait donc qu’il serait sculpteur.

C’est dans l’atelier du céramiste Mirko Orlandini qu’il découvre la terre et fait ses premiers pas. Jeune étudiant, il décide d’aller suivre les cours de Joseph Beuys à Düsseldorf où il habite chez Marcel Broodthaers, artiste belge surréaliste, ami de sa grand-mère. Il lui aurait donc été facile de suivre la voie d’une avant-garde de l’art contemporain, mais il s’y refuse après avoir réalisé quelques installations. Il se tourne vers l’expression de l’émotion. Sa visite au jardin de Boboli à Florence fut déterminante dans ce choix d’un art expressif, durable et accessible à tous. En 1973 il préfère retrouver ses racines familiales et artistiques en Pologne, part étudier à l’académie de Cracovie pour se nourrit de vieilles églises de palais, de contes, de légende, et d’histoires de l’art.

De retour en Belgique, le jeune artiste retrouve son ami le céramiste Mirko Orlandini qui lui apporte le soutien d’un maître en l’initie à sa technique. Le matériau terre comme moyen d’expression est donc adopté pour son universalité et son emploi dès l’origine de l’art et sa facilité de mise en œuvre.

 

Processus technique

La pratique de la sculpture avec un modèle est un choix, celui de la rigueur, d’un rythme de travail  quotidien. Faire venir un modèle chaque matin de 9 à 12 h devient un rituel durant certaines périodes. Actuellement, Philippe Brodzki dessine d’après modèle vivant pendant un cours collectif. Passer plusieurs mois pour modeler une statue, plusieurs jours pour réaliser une chevelure, apprendre à torsader chaque mèche, est un sacerdoce qui semble d’une autre époque. Mais c’est aussi un savoir-faire qui parait absolu, « c’est rendre vivant, à l’image de ce que Dieu a fait. »

Cependant Philippe Brodzki n’opte pas pour le naturalisme qui montrerait des corps recherchant une ressemblance la plus totale, ni pour un réalisme qui les situerait dans un contexte temporel ou social. Il travaille au tiers de la taille réelle : «  C’est la taille la plus grande qui permet au regard d’englober totalement le modèle sans bouger. La représentation ne peut-être que plus petite que nous, le spectateur domine alors la statue.

Une fois la sculpture en argile modelée sur une armature métallique, elle est moulée en plâtre sur la terre crue. Ce moule  à pièces ( jusqu’à 15 morceaux) est utilisé pour tirer plusieurs exemplaires,   couler avec une barbotine  chamotté. La statue est ensuite, retouchée, retravaillée, personnalisée, engobée ou pas, dégourdie, puis émaillée ou pas. Auparavant cuites dans un four à gaz et enfumées comme un raku dans un caisson métallique mobile, les sculptures sont maintenant cuites en four électrique ou au gaz sans intervention jusqu'à 1160°. La température a été choisie afin de rendre la pièce solide. Une plus haute température entraine des déformations aux pattes ou aux chevilles du fait du façonnage par coulage.

La technique du raku ne se reconnaît pas telle qu’on la voit pratiquée habituellement dans un contraste entre les noirs d’enfumage et  les diverses couleurs, pâles ou saturées, dans toutes les nuances, du brillant au mat. Son incidence était plus centrée sur les craquelures. Depuis trois ans, la cuisson raku est abandonnée au profit des émaux, à usage unique sur chaque forme particulière ; ils sont conçus pour exprimer le vieillissement. L’aspect mat et un craquelé plus ou moins accentué et coloré veulent donner un âge, un passé à la pièce, une possibilité d’histoire. Les traditionnels piédouches à base rondes ou carrées se transforment en un prolongement géométrique de la poitrine afin d’offrir une surface au développement de l’émail spécialement créé pour la pièce. L’obtention de ces matières nécessite parfois une bonne épaisseur, des superpositions et plusieurs cuissons.  « En sculpture, la remise en question de la matière est perpétuelle, chaque pièce est personnalisée, et unique. »




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Œuvres sélectionnées:


Philippe-BRODSKI
Philippe-BRODSKI
Philippe-BRODSKI
Philippe-BRODSKI

Détail des œuvres



Buste au chapeau bleu

Buste au chapeau bleu

Céramique

40 x 16 x 13 cm.


Torso with blue hat

Céramic

40 x 16 x 13 cm.


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Jeune fille sur l'Animal, 1997

Jeune fille sur l'Animal, 1997

Bronze

69 x 29 x 47 cm.


Young girl on the beast, 1997

Bronze

69 x 29 x 47 cm.


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Petit buste chapeau bleu, 2013

Petit buste chapeau bleu, 2013

Céramique

50 x 15 x 13 cm. 


Little torso with blue hat, 2013

Ceramic

50 x 15 x 13 cm. 


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Chien

Chien

Terre cuite

50 x 27 x 25 cm


Dog

Terracotta

50 x 27 x 25 cm


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